Yul CHOI

 

La fabrique d’un militant écologiste


15 mai. Après quelques heures de sommeil, j’ai rendez-vous avec Yul Choi et deux de ses collaborateurs. Comme d’habitude, la semaine démarre tambour battant : Yul donne une conférence de presse autour d’une exposition de photos qui illustre la beauté de la nature et sa fragilité. La journée s’achève dans une des tours immenses de cette ville moderne, où l’on fête les vingt ans d’un des grands quotidiens coréens. Yul commence à me présenter son réseau : leaders d’opinion, chefs d’entreprise, membres du gouvernement, intellectuels, artistes…


Pourtant, Yul n’a pas toujours été cet homme en costume qui côtoie les puissants. Il faut l’imaginer il y a trente ans, leader étudiant, emprisonné par le régime militaire pour avoir défendu les droits de l’Homme. Interdit de lectures politiques, Amnesty International lui passe des livres consacrés à l’environnement, les seuls que la censure juge inoffensifs. Six ans de prison et 250 livres plus tard, Yul a compris que l’industrialisation effrénée de la Corée du Sud ne tardera pas à provoquer des catastrophes. Il en sort décidé à reprendre le combat, cette fois-ci pour l’écologie. Il est des hommes que l’on ne peut pas briser.


Le combat pour l’énergie propre


A sa libération en 1982, il crée la première association environnementale du pays, aussitôt dissoute par le gouvernement. Assigné à résidence, ses activités sont surveillées de près. Il retrouvera plus de liberté en 1987 avec le changement de gouvernement, mais son combat reste ardu : « Les Coréens sont obsédés par la prospérité économique. Il n’est pas facile, dans ces conditions, de créer une conscience environnementaliste. »


Pourtant, les sujets ne manquent pas : Yul et son organisation se battront tour à tour contre la pollution dues aux briqueteries de houille, contre la construction de terrains de golf en montagne, contre l’assèchement des marais du littoral, contre un complexe industriel qui empoisonne tout une région… Et surtout contre le nucléaire : « Lorsque ces centrales ont proliféré dans les années 1950, on a affirmé qu’elles étaient sûres et propres. Moi aussi, j’y ai cru. Mais depuis Tchernobyl, il est clair qu’il n’existe aucun remède aux radiations nucléaires : en cas d’accident, la région reste contaminée pendant des siècles. » Pour ce combat, il sera de nouveau placé en résidence surveillée. Au cours de manifestations lourdement réprimées, il réussira pourtant à arrêter la construction d’une décharge nucléaire secrète, et un projet d’exportation de déchets nucléaires de Taïwan vers la Corée du Nord. Aujourd’hui, il fait la promotion d’un modèle alternatif : « Le seul moyen de renoncer aux centrales nucléaires est de changer la structure industrielle du pays, en privilégiant des industries moins gourmandes en énergie. »


Lier nature et culture


Ces victoires, c’est aussi en faisant la fête que Yul les a obtenues. Pour mobiliser une opinion peu sensible à l’écologie, il organise des évènements culturels. Je l’accompagne à l’ouverture du cinquième « Green Festival » : un artiste joue avec le sable et la lumière, un concert réunit de nombreux artistes populaires… Au total, 720 films et documentaires seront projetés, un succès retentissant. Quelques jours plus tard, j’assiste à l’arrivée spectaculaire d’une marche de cent jours à travers le pays, à l’origine d’un groupe interreligieux uni derrière le Père Moon Chonghyun, un prêtre catholique qui fut un des compagnons de prison de Yul. Le but : faire stopper un projet de canal qui détruirait un des grands fleuves du pays.


Décidé à mobiliser toutes les couches de la société, Yul n’oublie pas les décideurs. J’assiste à une soirée de sensibilisation au changement climatique organisée par sa fondation pour des hommes politiques et chefs d’entreprises. Le lendemain, nous partons dans le sud du pays assister à une exposition sur les énergies renouvelables. Insatiable, Yul vole de stand en stand pour en retirer les informations clés et nouer encore des contacts. J’ai le tournis.


De retour à Séoul, je trouve enfin un moment plus calme pour réaliser une longue interview. Nous nous installons dans un parc ombragé, caressé par une brise salutaire. Yul est d’une humilité et d’une simplicité émouvante. J’admire ces hommes et femmes que je rencontre, leur combat, leur parcours... Je sens les traces qu’ils laissent en moi, et leur suis reconnaissant de reconstruire ma foi dans la possibilité d’un autre monde, d’un futur plus juste.


Texte ©  A. Gouyon & S. Viaud

Pays : Corée du Sud


Prix Goldman : 1995


Profession : Fondateur et Président de la

« Korea Green Foundation ». Leader d’opinion


Signe particulier : Défenseur des droits civiques, a connu la prison et la torture. Son surnom : l’homme d‘acier

« La Corée a dépassé le stade où elle pouvait assurer sa croissance sans prendre en compte la qualité environnementale. D’un point de vue économique, la protection de l’environnement est le meilleur garant du bien-être social. »

Pour que chacun voie le monde en vert

PortfolioPorfolioYulChoi.html

Contact :


Korea Green Foundation

www.greenfund.org

Un problème :

  1. - la quête de prospérité mène à de multiples pollutions et atteintes aux droits environnementaux

Solutions :

  1. -faire émerger une conscience environnementale dans toute la population coréenne

  2. -cibler différents acteurs clés (entrepreneurs, politique, grand public)

  3. -lier nature et culture, utiliser formations et événements de grande envergure (festivals, concerts...)