Sven Bobby PEEK

 

Polluer les plus pauvres en toute impunité


27 octobre.  Je débarque à Durban, au cœur d’une métropole industrielle de plus de trois millions d’habitants. Malgré l’Océan Indien tout proche, je suis assailli par les odeurs de fumée, mes yeux brûlent et je peine à respirer. Quel contraste avec le Parc Kruger que j’ai visité la veille, et dont les lions, zèbres ou girafes sont la vitrine touristique du pays ! Ici, l’apartheid n’est pas mort. Il a pris un nouveau visage, plus sournois : celui de l’apartheid économique, qui creuse un fossé chaque jour plus grand entre les riches et les pauvres.


Chaque jour plus grand ? Ce serait compter sans l’énergie de Bobby Peek, qui dès mon arrivée m’emmène dans les studios de sabc3, une chaîne télévisée nationale. Il y donne une interview en direct sur les pollutions industrielles et minières, et leurs impacts sur la santé. Je passerai ensuite une semaine avec Bobby et les membres de son association Groundwork, qui me font rencontrer leurs partenaires dans les communautés.


« Ce qui me révolte le plus, lance Bobby, ce sont les doubles standards. Ici, les multinationales se permettent des niveaux de pollution qui seraient impensables dans leur pays d’origine. » Or à Durban, les populations ouvrières habitent au cœur des sites industriels : deux raffineries de pétrole, des stations d’épuration, des décharges de résidus toxiques, un aéroport, une usine de cellulose, de nombreuses industries chimiques… Les enfants ont un taux d’asthme et de maladies respiratoires trois fois supérieur à la normale, et chaque famille du quartier a perdu au moins un de ses membres d’un cancer. Au sein du club de rugby local, trois joueurs sont morts de cancer avant quarante ans. 


Nelson Mandela, un soutien décisif


Seulement voilà, même s’il existe des lois sur l’environnement, le gouvernement ne les fait pas appliquer. Et pour les communautés pauvres, la première préoccupation, c’est l’emploi. Un argument qui permet aux industriels de se soustraire aux normes environnementales les plus élémentaires. Ainsi Engen et la Sapref, les deux grosses raffineries locales (dont l’une est une filiale de Shell et BP) gèrent un réseau d’oléoducs vieux de quarante ans, mal entretenu et bourré de fuites. C’est d’ailleurs Engen et ses cheminées polluantes qui furent la première cible de Bobby. Mais impossible d’obtenir autre chose que des promesses… Une visite de Nelson Mandela en 1995 sera décisive. « C’était un moment incroyable, Nelson a fait stopper sa voiture, il est venu vers nous pour nous demander quels étaient nos problèmes. Cela se passait à neuf heures du matin, et dès le début de soirée il a organisé une rencontre pour comprendre ce qu’il se passait, » se remémore Bobby. « C’est ainsi que j’ai réalisé la nécessité d’unir l’ensemble des communautés avant de s’attaquer aux industries et au gouvernement, » conclut-il.


Informer, éduquer, unir


Il lui faudra lutter encore plusieurs années pour obtenir des résultats concrets : mise en place de filtres sur les cheminées d’usine, de capteurs pour mesure les taux de pollution, fermeture d’une décharge toxique illégale, durcissement de la réglementation… Mais il reste tant à faire. Alors, Bobby et son association continuent à soutenir les communautés, à mettre en place des brigades de surveillance de la pollution, à exiger des entreprises qu’elles respectent la loi. Aujourd’hui, son combat principal consiste à informer et éduquer, il passe donc beaucoup de temps auprès des journalistes.


Bobby voit déjà plus loin, il rêve d’une économie au service de tous les citoyens. « Je souhaite une réelle équité, des services publics efficaces, un système de santé, des transports en commun, des infrastructures routières… Bref, une vie plus facile pour l’ensemble des Sud-Africains, sans discrimination de couleur de peau ou de richesse, tout en respectant l’environnement. » Il travaille à mettre en réseau ces communautés du monde entier qui se retrouvent confrontées aux mêmes pollutions, mettant bien souvent en cause les mêmes entreprises. « L’avenir est dans notre capacité à unifier les problèmes, en faire ressortir les points communs, d’unifier les citoyens du monde entier pour répondre collectivement » explique-t-il en guise de conclusion. Je le quitte  avec regrets, partagé entre colère et admiration.


Texte ©  A. Gouyon & S. Viaud

Pays : Afrique du Sud


Prix Goldman : 1998


Profession : Président de l’association Groundwork, représentant des Amis de la Terre en Afrique du Sud. 


Signes particuliers : A grandi au milieu des usines, a perdu sa mère et sa nièce d’un cancer.

« Peu importe la couleur de la peau, ce sont toujours les plus pauvres qui sont le plus touchés et marginalisés. Face à l’injustice environnementale, il m’a semblé primordial de faire travailler les communautés ensemble.»

Un problème :

  1. -Installation d’industries (raffineries, chimie...) dans des zones pavillonnaires et niveau de pollution.


Solutions :

  1. -Unir les différentes communautés pour travailler ensemble.

  2. -Exiger que les entreprises respectent la loi et les niveaux de pollution conformes.

  3. -Faire connaître les abus par des relations étroites avec les médias.

Pour le droit de tous à respirer

Portfolio

Contact :


Groundwork - Pollution destroys people lives

www.groundwork.org