Sereivathana TUY

 

Pays : Cambodge


Prix Goldman : 2010


Profession : Directeur du Cambodian Elephant Conservation Group (Fauna and Flora International).


Signe particulier : il est surnommé « l’Oncle éléphant » par les habitants des villages.

« Je souhaite que les éléphants sauvages et les communautés locales puissant vivre ensemble en harmonie. Protéger les éléphants signifie que nous pouvons également préserver un habitat où d’autres espèces peuvent prospérer. »

Un problème :

  1. - l’extension des zones habitées et cultivées a multiplié les conflits entre hommes et éléphants.


Solutions :

-  Apprendre aux fermier à coopérer pour être plus efficace

  1. - Mettre en place de techniques rapides, simples, abordables et efficaces pour faire fuir les éléphants.

  2. - Eduquer les communautés et les scolaires à la coexistence pacifique entre hommes et éléphants.

Sur le dos des buffles d’eau.


09 août. Je quitte Phnom Penh au petit matin en compagnie de Vathana pour une tournée de plusieurs jours à travers le pays et les communautés avec qui il travaille. L’accueil qui lui est réservé par les fermiers de Prey Proseth est plus que chaleureux. J’ai l’impression qu’il retrouve ici une seconde famille. Et c’est sans doute le cas.


Vathana est né en 1970, l’année même où le Cambodge est entré dans une période de troubles politiques intenses. Fuyant la dictature mise en place par les khmers rouges, sa famille a du se réfugier en campagne dans un petit village. Vathana y a grandi et se souvient des journées passées à garder les buffles dans les rizières et des courses qu’il faisait sur leur dos…

C’est bien ici que sa fascination pour les éléphants est née. Enfant, il s’émerveillait en écoutant les légendes qui les mettaient en scène et lorsqu’à neuf ans, il apprend que deux cornacs vont passer la nuit dans un village voisin avec leurs montures, il n’hésite pas à traverser un lac et une forêt pour les y découvrir… Il fut alors profondément touché par l’entente qui régnait entre les animaux et leurs soigneurs : « Je n’ai pas pu dormir de la nuit et j’ai su alors que ma vie serait dédiée aux éléphants. »


Mais ce n’est qu’en 1979, au lendemain de la chute du régime génocidaire de Pol Pot, qu’il put enfin s’asseoir sur les bancs d’une école. Et en 1989, grâce à une bourse d’excellence, qu’il partit à Minsk suivre un cursus autour des forêts dans l’Université biélorusse. A son retour au Cambodge sept ans plus tard, il prit un premier poste au département des forêts du gouvernement avant de rejoindre l’ONG Fauna and Flora International qui lui offrit alors l’occasion d’exprimer sa passion pour ces pachydermes.


Trouver l’harmonie entre les hommes et les éléphants.


A Prey Proseth, il est difficile aujourd’hui d’imaginer les premières difficultés. Les éléphants ont toujours été vénérés dans la culture khmère, ses temples les plus célèbres à Angkor ont été construits au XIIe siècle grâce à leur force de travail. Mais, dans le Cambodge contemporain, l’extension des zones habitées et cultivées a exacerbé les conflits entre les hommes et ces grands mammifères. « Les gens les empoisonnaient, les attaquaient avec des lances en bambou ou des pistolets… Ils leur jetaient même parfois de l’acide à la tête, raconte Vathana. Les fermiers sont trop pauvres pour perdre leurs récoltes ou voir leurs maisons détruites par les éléphants ».

Infatigable, Vathana a arpenté sans relâche son pays pour s’entretenir avec les communautés et les responsables locaux et a fini par les convaincre. Les choses ne se sont pas toujours passées en douceur. Insultes, menaces, le travail a pu être ingrat, mais Vathana a réussi à convertir les paysans par ses idées et son enthousiasme.


Gagnant leur confiance, Vathana a développé des solutions simples, abordables et faciles à mettre en place pour garder les éléphants éloignés des champs et instaurer ainsi une cohabitation pacifique. Après de nombreux essais et plus d’une erreur qui lui ont coûté nuit blanches et frustrations, il a fini par imaginer des moyens ingénieux qui ont fait leurs preuves sur le terrain. Comme par exemple des barrières électrifiées alimentées par l’énergie solaire, assez puissantes pour décourager un éléphant sans lui faire de mal. Ou bien encore la mise en place d’épouvantails et de tout un panel de dissuasion sonore (feux d’artifices, détonation, trompettes en plastique…). Ailleurs, il a fallu réfléchir à une reconversion agricole, pour remplacer les pastèques, les bananes ou la canne à sucre, dont les éléphants sont friands, par des plantes qu’ils détestent, comme les aubergines ou les piments... L’essentiel est de varier les solutions et de ne pas laisser le temps aux éléphants de s’y adapter.


Plus important encore, Vathana a réussi à stimuler un esprit de coopération entre les membres des communautés, les encourageant à s’organiser en petits groupes et prendre des tours de garde la nuit pour protéger l’ensemble des champs. Ici, seules sept tours d’observation permettent de surveiller les cultures de près de 2500 familles.


Aujourd’hui le pari semble gagné. Plus un seul éléphant n’a été tué au Cambodge depuis 2005, l’année où Vathana a commencé a travaillé au CECG.


Encore une fois, éduquer pour conserver l’équilibre.


Le modèle développé par Vathana s’étend à de nombreuses communautés au Cambodge. Il s’agit néanmoins aujourd’hui de pérenniser ce succès et de le diffuser largement. « Il ne reste qu’environ 400 éléphants sauvages au Cambodge, la population reste donc très fragile. » Les conflits entre humains et éléphants sauvages n’ont pas cessé et ont épisodiquement lieu dans des provinces du Cambodge comme Preah Sihanouk ou le Mondolkiri. Dans cette province, des plantations d’hévéas et la déforestation sont parfois responsables de ces conflits, obligeant les animaux à se déplacer. « Il est essentiel de travailler correctement sur les études d’impact environnemental avant de commencer ces opérations, estime Vathana. Tout développement a des conséquences, et il nous appartient d’en diminuer les impacts environnementaux. » De nouvelles inquiétudes naissent régulièrement, aujourd’hui c’est un projet de mine de titane dans les Cardamomes qui risque de menacer les progrès réalisés dans cette région.


Vathana pense aujourd’hui avant tout aux générations futures. Ses équipes ont construit quatre écoles dans des villages situés dans des forêts abritant des éléphants, et bien d’autres sont en projet. «Quatre jours par semaine, près de 250 enfants suivent le programme normal, et le cinquième jour, ils apprennent comment protéger les éléphants.» Vathana a développé avec ses équipes des présentations qu’ils présentent dans les écoles, les universités. De plus en plus d’étudiants viennent se porter volontaires pendant leurs vacances pour assister le CECG, notamment dans les campagnes de collectes d’informations en forêts.


« Afin que notre lutte aboutisse, il faut que nous puissions associer des programmes d’éducation, une amélioration des conditions de vie des communautés rurales et des lois justes qui soient respectées. Voilà le défi, conclue Vathana, débordant d’énergie. »


Texte et photos © S. Viaud

Pour les derniers éléphants d’Asie.

PortfolioPorfolioTuySereivathana.html

Contact :


Fauna and Flora International

www.fauna-flora.org