Ricardo NAVARRO

 

Un orateur charismatique.


Ricardo monte à la tribune et commence à parler d’une voie grave et profonde. Il joue du silence, assène quelques statistiques révélatrices des inégalités de nos sociétés et vient aux enjeux profonds et éthiques de son combat. L’assistance est immédiatement captivée.


Son investissement dans la protection de l’environnement lui est venu naturellement. Ricardo est ingénieur et il a créé le « Centre Salvadorien pour une Technologie Appropriée » (CESTA) afin de relever les défis environnementaux et sociaux de son pays. La longue guerre civile a abîmé l’environnement à un tel point que le Salvador est le pays le plus dégradé après Haïti dans l'hémisphère occidental. En tant que président du CESTA, plus importante O.N.G. environnementale du Salvador, il a construit des partenariats avec des communautés urbaines et rurales, afin de leur fournir l'assistance technique nécessaire pour effectuer les choix de technologies appropriées à leurs besoins et respectant l’environnement.


Un des programmes du CESTA consiste par exemple à construire ou réparer des bicyclettes, "bici-carts" et fauteuils roulants. En plus des créations d’emploi et du développement d’une main-d'oeuvre qualifiée, le projet "Ecobici" permet de sensibiliser la population sur les avantages environnementaux de l’utilisation du vélo. Les projets communautaires appuyés par le CESTA englobent différentes thématiques fondamentales, telle la lutte contre la contamination des eaux souterraines, la promotion de l’agriculture organique afin de stopper l’utilisation des engrais chimiques, la promotion de fours plus efficaces afin de réduire la dépendance et les besoins en bois… A Guazapa, région qui a été fortement bombardée (napalm), le CESTA travaille avec les jeunes pour créer un monument vivant dédié à la paix. Le but est de régénérer l'environnement aujourd’hui stérile en plantant un arbre pour chaque personne morte pendant la guerre. Plus de 65000 arbres fruitiers et aux vertus médicinales reconnues ont déjà été plantés, créant ainsi la "Forêt de la Réconciliation."


Au long des années, la nature de l’engagement de Ricardo s’est modifiée. De la simple promotion de technologies plus efficientes, il a commencé à percevoir les implications sociales et politiques de son combat. Son évolution l’a amené à transformer l’ingénieur parlant de solutions techniques en opposant politique faisant entendre sa voix au Parlement. Pour Ricardo, un des problèmes majeur réside dans la concentration des pouvoirs.


Ricardo a exposé de nombreux problèmes à l’échelle nationale, tel que le trafic des déchets. Dès 1993 sur une chaîne de la télévision nationale, il a condamné la proposition de transférer les pneus usagés de la Nouvelle-Orléans vers le Salvador où ils auraient été incinérés. Il est également à l’initiative de la sauvegarde d’El Espino, un des rares secteurs forestier intact autour de la capitale et une source importante de l'eau potable de la ville. Il a demandé à l'Assemblée de déclarer la forêt zone protégée afin que les politiciens locaux ne puissent pas la transformer en zone résidentielle. En raison de ses prises de positions très claires, Ricardo a déjà reçu de nombreuses menaces de la mort.


Des défis à relever collectivement.


Ricardo réfute l’étiquette d’ennemi du développement que l’on colle inévitablement aux activistes et militants environnementaux, l’argument classique du « retour à l’âge de pierre »… Il pointe le besoin d’industries et de santé économique d’un pays. Mais il s’insurge contre le fait commun d’utiliser les ressources naturelles comme source de profit sans conscience ou préoccupation des impacts sur l’environnement et les populations.


En tant qu’ingénieur, il souligne l’aspect positif de l’amélioration continue des technologies. Mais il est inquiet quant à l’illusion que cela peut créer. Elles ne permettent que de gagner un peu de temps. Si la nature du système de développement ne change pas (toujours plus de croissance, plus de profits…) ce gain de temps sera inutile.


Pour l’instant, des réseaux de multinationales concentrent un pouvoir immense et aveuglés par les profits colossaux qu’ils dégagent, ne veulent pas entendre le caractère vital des changements et leur urgence. Leurs objectifs demeurent conduit par la recherche de profits toujours plus importants et le système demeure donc subordonné à une production croissante, à des extractions de ressources naturelles sans considération aucune pour les impacts sociaux et environnementaux. Le défi est de convaincre les personnes dirigeants ces entreprises de la gravité de leurs erreurs. Et de leurs responsabilités face à l’Humanité.


Dans la même optique, le plus grand défi au Salvador est de convaincre le pouvoir politique que la manière dont est gouverné le pays n’est pas la bonne et n’est pas durable. Les dirigeants politiques salvadoriens ne sont pas aujourd’hui suffisamment conscients de l’importance de ces enjeux sociaux et environnementaux.


Pour cela, Ricardo pense qu’il faut travailler au niveau local car les changements concrets et quantifiables se font à cette échelle. Il est capital ensuite de partager ces expériences et succès locaux pour les diffuser à l’international. Ce qui a été gagné dans une première communauté peut aider une seconde à résister. Par exemple, une compagnie gérant une centrale thermo électrique au Honduras a posé de graves problèmes aux populations locales. Cette compagnie voulait s’installer au Salvador. En confrontant la réalité des pratiques de cette entreprise avec leur stratégie de communication lors des réunions publiques, la communauté de cette région a pu convaincre les dirigeants politiques de l’erreur de ce type de développement.


D’une voix ferme, Ricardo achève son discours. « Pour relever ces défis, il faut nous unir. Et pour cela, convaincre les populations qu’un autre monde est possible. C’est possible d’avoir un monde durable. Trop parmi nous en doutent encore et se disent qu’ils n’y peuvent rien. Mais nous pouvons faire beaucoup et nous n’avons pas le choix… De nombreuses communautés se lèvent à travers le monde et réussissent à peser sur les décisions. Reste à partager ces nouvelles compétences et canaliser ces énergies positives pour apporter les changements radicaux qui sont nécessaires aujourd’hui ».


Texte ©  S. Viaud

Pays : El Salvador


Prix Goldman : 1995


Profession : Ingénieur, fondateur et président du CESTA


Signe particulier : Considère la technologie comme l’amie de la nature si elle est bien utilisée

« Le combat pour l’Environnement est un combat pour notre propre survie. Nous ne pouvons pas nous permettre de ne pas nous impliquer. »

Pour une technologie au service de la planète

Contact :


CESTA  Centre  Salvadorien pour une Technologie Appropriée

Website : www.cesta-foe.org
Contact: foeelsalvador@hotmail.com

Un problème :

- La guerre civile a profondément abîmé l’environnement du pays


Solutions :

  1. -Travailler au plus près des communautés pour connaître leurs besoins réels

  2. -Fournir une assistance technique pour effectuer les choix de technologies appropriées à ces besoins et respectant l’environnement