Noah IDECHONG

 

Un sommet à la plage


3 mai. J’arrive de nuit à Palau, au milieu d’un groupe de touristes excités à l’idée de plonger dans cet Eden marin. Palau… il y a encore un an, j’ignorais tout de l’existence de ce petit pays : 340 îles au milieu du Pacifique, 700 espèces de coraux et anémones, plus de 1500 espèces de poisson. Une biodiversité exceptionnelle, menacée localement par la pression du tourisme et la pêche au chalut, et globalement par le changement climatique.


Dès le lendemain, je passe la journée avec Noah Idechong. Petit tour vers les plages de son enfance, à la rencontre de sa famille. Le temps semble arrêté. Pourtant, la semaine s’annonce chargée. Nous partons pour l’extrême nord, à Ngarchelong, où Noah démarre un sommet qui réunira les leaders de l’île, et destiné à créer un plan de gestion du récif de cette partie du littoral. C’est la première fois qu’ils acceptent de travailler ensemble. La première journée est studieuse. La qualité des présentations m’impressionne, tout comme la capacité d’écoute des chefs de clans. La deuxième journée est capitale : il s’agit de constater l’état des coraux depuis leur blanchiment à la fin des années 1990, suite à une hausse de température. Cet évènement dramatique a fait prendre conscience aux habitants de Palau de la fragilité de leurs ressources. « Nous avons failli perdre courage : avec la mort des coraux les poissons ont disparu, et avec eux les bases de notre économie. Un exemple très clair de la façon dont un petit changement dans l’écosystème peut affecter l’ensemble en cascade », raconte Noah.


Tradition et politique


Cette sortie sur le terrain est une occasion de mettre les leaders en situation. Le bilan est positif, la plupart des coraux ont récupéré. C’est la première fois que je vois ce type de couleurs, un bleu si lumineux qu’il en semble irréel, des rouges sanguins, des jaunes violents… Une fois rentré au port, la discussion se fait plus sérieuse et Noah est satisfait. Il sait à quel point l’adhésion des chefs de clan est indispensable. Une de ses plus grandes réussites, considérées comme un modèle dans le Pacifique, est d’avoir combiné savoir scientifique et traditions locales pour préserver la biodiversité marine. Il a convaincu les chefs de Palau de réinstaller un mécanisme traditionnel, le « Bul », qui limite la pêche dans certaines zones pendant les périodes critiques de reproduction des poissons. Cette sagesse millénaire a servi de base à la définition du système d’aires marines protégées de Palau et à l’interdiction du chalutage de fond, la méthode de pêche la plus destructive pour les récifs coralliens.


De la plage au parlement


En soirée, grande nouvelle : le Président va venir signer un ensemble de lois pour lesquelles Noah se bat depuis des années. Membre du Congrès, Noah file d’abord à la capitale pour une session parlementaire. Nous repartons ensuite vers le  nord, suivis par le Président sur sa Harley Davidson ! Devant les leaders de Ngarchelong, le Président présente les nouvelles lois : création d’un ministère de l’Environnement, des Ressources Naturelles et du Tourisme, interdiction de l’exportation d’espèces de poissons, et mise en place d’un mécanisme de financement durable des zones protégées de Palau. Au moment de la signature, je peux lire l’émotion de Noah.


La troisième journée sera la dernière du sommet. Lever matinal avec le soleil. Noah est déjà debout et nage dans le lagon. Je le rejoins. Quel luxe de pouvoir profiter des eaux chaudes du Pacifique avant de se remettre au travail… Noah lance la matinée en rappelant les objectifs : établir une feuille de route, rédiger une déclaration solennelle d’engagement. La clôture du sommet est détendue, le Président, les leaders, les enfants de écoles, tous déjeunent ensemble avant d’enchaîner discussions décontractées et franches rigolades.


Nous prenons enfin le temps d’explorer ces îles incroyables. Noah me montre un récif qui a été « sacrifié » pour les touristes, afin d’épargner les autres. Bonne surprise : même si de nombreux coraux sont dégradés, le récif reste en bonne santé et abrite de nombreux poissons. Seules onze plages sont ouvertes aux touristes qui doivent s’acquitter d’un droit d’accès, qui permet de financer l’entretien du site. Noah me fait ensuite découvrir les lieux où il vient se ressourcer, un lac caché au milieu d’une des îles, dont l’accès se fait par bateau à travers les arbres qui nous surplombent. Verts et bleus s’amourachent. Dernière interview de Noah sur une plage solitaire… un moment inoubliable.


Texte ©  A. Gouyon & S. Viaud

Pays : Palau


Prix Goldman : 1995


Profession : Président de la Chambre des délégués du Parlement de Palau


Signe particulier : Sous son bureau, la plage

« La vie des habitants de Palau est intimement liée à l’océan, d’où nous vient notre subsistance, notre identité et nos traditions. Pour préserver cette relation symbiotique, nous apprenons dès l’enfance à prendre soin de l’océan. »

Pour sauver les récifs coralliens

PortfolioPorfolioNoahIdechong.html

Contact :


Speaker of the House of Delegates

www.palaugov.net

Un problème :

  1. -les techniques de pêche modernes (châlut, longues lignes...) détruisent les écosystèmes et ne leur permettent pas de se renouveller (notamment les récifs coralliens)

Solutions :

  1. -Réconcilier savoirs scientifiques et traditions locales

  2. -Unifier les chefs de clans pour les faire travailler ensemble, les convaincre en les faisant sortir sur le terrain

  3. -Pérenniser le système en le légiférant et lui assurant un financement durable