Laila Iskandar KAMEL
Une femme qui bouleverse les idées reçues.
Laila Iskandar Kamel est une spécialiste de l’éducation et du développement, possédant des connaissances très approfondies et une grande expérience de terrain. Elle a collaboré avec de nombreuses instances internationales (UNESCO, USAID, UNDP et bien d’autres), leur apportant des conseils. Les études de Laila Iskandar Kamel mêlent aussi bien l’économie, que les sciences politiques ou le domaine des affaires et l’ont mené du Caire aux Universités de Berkeley et Columbia, en passant par le Proche Orient. Convaincus des bénéfices d’une approche holistique et locale du développement, le Dr Kamel a contribué à la mise en place de programmes innovants et extrêmement efficace, en réponse aux préoccupations des communautés.
En effet, elle a développé des projets sociaux et environnementaux autour de la collecte des déchets au Caire. Ils ont très largement contribué à créer un modèle d’éducation non formel dans le domaine du recyclage. Ils ont aidé les “zabaleens” ou collecteurs de déchets à rompre le cycle infernal de la misère et l’exploitation afin de recevoir des compensations appropriées pour le travail qu’ils fournissent.
Tirer des leçons de la sagesse des plus pauvres.
Une évaluation de la situation mondiale de la production et de la gestion des déchets ne peut qu’attirer notre attention sur l’importante escalade du volume des ordures générées par l’homme et ses activités (domestiques et industrielles). C’est le résultat d’une consommation toujours plus grande et de modèles énergétiques favorisant l’exploitation de ressources non renouvelables.
Les ordures sont généralement perçues comme une nuisance. Et bien, c’est l’inverse pour les zabaleens. Ce groupe socialement exclu nous apprend à changer radicalement notre perception des déchets et à les considérer comme une ressource. Grâce à leur farouche détermination, leur travail constant, leur persévérance et leur ingéniosité, ils ont prouvé qu’une mégalopole de plus de 15 millions d’habitants peut récupérer et recycler 80% des déchets collectés. Ces performances dépassent celles de la grande majorité des pays industrialisés, tels que l’Allemagne ou le Danemark.
Ces hommes et femmes ont quitté leurs villages et communautés rurales du sud du Caire à la fin des années 1940. Les collecteurs de déchets vivaient alors dans le voisinage proche de leur lieu de travail. Mais la croissance rapide du Caire a conduit les autorités locales à les expulser vers les marges de la ville. A de nombreuses reprises, ils ont été déplacés vers des quartiers plus éloignés et ils gardent en mémoire les difficultés de leur réinstallation. La ville n’a jamais considéré leur travail à sa juste valeur. En 1974, ils ont fait collectivement le choix de s’installer sur les contreforts des collines de Mokattam afin d’éviter de nouvelles expulsions.
A la fin des années 1970, des organismes communautaires commencent à voir le jour à Mokattam. L’eau y est accessible et un système de récupération des eaux usées est installé. Les routes sont pavées, des écoles sont construites, un système de camions vide les fosses septiques. Des cliniques et des programmes de soins sont mis en place et une réelle industrie du recyclage voit le jour. Des projets générant des revenus pour les jeunes femmes voient le jour dans le voisinage.
Laila s’est impliqué pour la première fois avec ces communautés en 1982, lorsqu’elle y a fondé une école informelle. Puisque les enfants accompagnent leur père lors de leur tournée de collecte des déchets, elle a conçu son école sur la flexibilité. Insistant sur les concepts de santé et d’hygiène, les contenus étaient pensés pour aider les enfants à dépasser les nuisances de leur environnement.
En 1984 l’Association pour la Protection de l’Environnement (APE) établit son usine de compost au coeur même du quartier. Ce fut une percée très importante pour les zabaleens car ils avaient dès lors un endroit où se débarrasser gratuitement de l’accumulation des déchets organiques qui n’étaient pas consommés par leurs animaux. Plus de 200 des zabaleens y apportent les déchets organiques de tout le voisinage et le compost de grande qualité qui y est produit est ensuite vendu aux agriculteurs alentours.
L’APE a alors utilisé les revenus générés par la vente du compost pour soutenir un projet de recyclage de vêtements et chutes de tissus, à destination de jeunes femmes.
Utilisant des métiers à tisser manuel, celles-ci font revivre un des plus anciens métiers égyptiens. A partir de la récupération de coton, elles produisent des patchworks inspirés de leur environnement et des couvertures très colorées, qui sont ensuite vendus lors de foires artisanales. Les revenus sont alors partagés entre ces jeunes femmes. Elément à part entière de ce projet “Apprendre et Gagner”, elles acquièrent des bases de mathématiques et d’alphabétisation. Ce projet a déjà formé plus de 500 jeunes filles et près de 50% d’entre elles continuent de vivre de leur activité. En 1988, Laila est devenu la directrice opérationnelle de ce centre de recyclage au sein de l’APE.
Les zabaleens n’ont jamais cessé de servir la ville à grand coût financier et personnel : travail non rémunéré (ils n'étaient pas payés pour le service de collecte des déchets porte à porte dans les immeubles du Caire), exténuant (particulièrement pour les femmes qui doivent trier les ordures à la main), conditions de vie très éprouvantes et manque d’accès à l’éducation et aux soins.
En 1986, l’Association des Collecteurs de Déchets pour un Développement de la Communauté (AGCCD) a initié un programme de création de micro entreprise en introduisant de nouvelles technologies (transformation du plastique en granulés, compacteurs de papiers et cartons…) De nombreux zabaleens se sont alors reconvertis et ont abandonné leurs activités d’élevage pour s’impliquer dans le secteur du recyclage des déchets non organiques. Cela a créé un secteur d’activité local et non structuré, générant des emplois pour la jeunesse du quartier et augmentant significativement les revenus des familles. Cela a conduit également à améliorer l’éducation des femmes. De plus en 1990, les autorités les ont poussé à abandonner leurs chariots et ânes pour des camions.
De nombreuses compétences et connaissances ont alors été acquises quant à l’utilisation de ces nouvelles technologies. Mokattam est alors devenu le centre principal du commerce de plastique, papier, carton, métaux… Cette expérience pilote a reçu une reconnaissance internationale au Sommet de la Terre à Rio, en 1992.
En 1994, l’APE s’est intéressé à un autre quartier du Caire (Tora) et a mobilisé la jeunesse de Mokattam pour initier des projets de développement dans un contexte semblable au leur.
En 1998, l’APE a dû déplacé son usine de compost vers Qattamiya car le quartier de Mokattam était devenu trop densément peuplé et construit. Un plan de reclassement pour les zabaleens de Tora a été mis en place. Ils n’ont pas eu besoin de quitter leur maison mais ont du repenser le transport de leurs déchets organiques et leurs activités d’élevage. Cela a néanmoins conduit à une augmentation de leur frais de collecte des déchets.
Pour obtenir ces avancées, il a fallu que le gouvernement les accepte, à défaut de les mettre en place lui-même. « Si l’on veut gagner notre combat, il faut toujours connaître les limites. En Egypte, nous ne faisons pas de grandes démonstrations dans les rues mais nous utilisons les médias, nous diffusons notre modèle » explique Laila.
Transférer les compétences et connaissances.
Laila a également travaillé aux Etats Unis, dans le monde des ONGs et des organisations de développement internationales. Elle y a réalisé leurs limites une fois avoir vu trop de projets dotés de très importantes sommes d’argent n’avoir aucun ou très peu d’effets. Elle a alors décidé de rejoindre le secteur privé pour ses performances, son efficacité et ses réponses rapides aux problèmes. De retour en Egypte, elle a créé son entreprise « Développement Communautaire et Institutionnel » (CID).
Le CID se consacre à la croissance de l’Egypte et recherche l’amélioration des organisations au service de sa population et de son économie. Cette entreprise fournit des consultations dans le domaine du développement durable et de la communication au sein des organisations. Le CID est une firme du secteur privé mais conserve sa conscience sociale. Ses activités principales demeurent l’aide aux communautés marginalisées afin de mettre en place des programmes de recyclage des déchets qui soient durables, qui génèrent des emplois et des revenus tout en améliorant leurs conditions de vie.
“Ce que nous essayons de faire est de montrer comment on peut gagner de l’argent en recyclant mais également de montrer que ces gens qui gagnent de l’argent grâce au recyclage restent pauvres et qu’ils ont besoin d’améliorer leurs compétences” explique Laila.
L’approche holistique du CID reconnaît les interactions entre les domaines de la santé, du crédit, de l’éducation, de la formation continue pour les adultes et des préoccupations environnementales. Renforcer les capacités des communautés par des partenariats avec le secteur privé et public permet de soutenir le développement du pays. De même, le CID reconnaît et supporte les connaissances acquises localement. Laila croit fermement que le transfert des ces connaissances et compétences issues des expériences du terrain d’une communauté vers une autre par ses propres membres contribue à renforcer l’individu et la communauté dans son ensemble.
Par exemple, en 1997, Laila a initié un projet impliquant de jeunes adultes de Mokattam transférant leurs compétences dans le domaine du recyclage vers les communautés des villes de Nuweiba et Dahab, sites touristiques populaires du Sinaï. Ce programme consiste à séparer à la source les déchets organiques et non organiques. Les premiers sont destinés aux communautés de Bédouins afin de favoriser les activités d’élevage (chèvres et chameaux). Les seconds sont acheminés vers un centre de tri. L’ensemble des partenaires (municipalités, investisseurs, Bédouins, habitants, hôtels, touristes…) se trouve impliqué dans le projet de permettre un développement durable du tourisme au Sinaï.
L’approche innovante de CID a été de mettre en place des modèles démontrant comment la jeunesse peut s’engager efficacement dans les activités du recyclage afin de construire un meilleur avenir, développant leurs compétences technique et maintenant les villes propres.
Et aujourd’hui ? Une école du recyclage.
De nombreuses études prouvent que les zabaleens sont le groupe possédant la plus longue expérience professionnelle en Egypte dans le secteur du traitement des déchets solides.
Et pourtant, ils ne reçoivent pas autant d’attention qu’ils ne le méritent car ils sont perçus comme utilisant un système dépassé, sans équipement moderne et dans des conditions sanitaires déplorables. Il semble échapper à beaucoup que la principale raison est le fait qu’ils n’ont jamais été payé à la mesure de leur travail ! Ils n’ont pas pu améliorer leurs équipements ou leur pratiques autant qu’ils l’auraient souhaité. Evidemment les zabaleens d’aujourd’hui veulent exercer leur métier de manière moderne.
La population toujours croissante du Caire produit une quantité de déchets énorme à laquelle le système traditionnel d’enlèvement des déchets ne peut plus faire face. En 2003, des contrats ont été proposé à différentes multinationales (Italie et Espagne). Mais ces dernières semblent plus intéressées par leurs marges de bénéfices que par une politique de recyclage. Les déchets sont acheminés vers des décharges immenses dans le désert. Les zabaleens, en raison de leur manque d’éducation et de ressources financières, n’ont pas pu résister et ont perdu leur source principale de revenus – les matériaux recyclables. Le secteur privé tend à faire disparaître le plus efficace système de collecte porte à porte par des technologies inappropriées. Ces dernières ne génèrent pas les même 7 à 8 emplois par tonnes de déchets collectées et ne permettent pas de recycler plus de 80% de ces déchets, ce qui était les performances du secteur non structuré.
Aujourd’hui les zabaleens cherchent de nouvelles façons de retrouver l’accès aux déchets recyclables, aidant de fait à réduire l’immense quantité de déchets accumulés et ayant un impact positif sur l’environnement.
Une école de recyclage du plastique, créée par l’UNESCO sous les auspices de l’AGCCD a été inaugurée en décembre 2001. Le projet est maintenant géré par l’organisation “Spirit of Youth Association for Environmental Services”, fondée en 2004. Elle cible les enfants des zabaleens du quartier de Mokattam. « Au moins 30% des familles les plus pauvres ont perdu leur emploi suite à l’arrivée des multinationales dans notre pays. C’est eux qu’il convient d’aider aujourd’hui » constate Ezzat Naim Guindy. C’est homme efficace est à la tête de cette organisation. Ancien zabaleen, c’est un des premiers enfants du quartier à être allé à l’Université et y avoir réussi.
L’école vise à fournir à ces enfants des opportunités alternatives de formations qui faciliteront leur intégration dans le nouveau secteur de gestion de déchets lorsqu’ils seront adultes. Elle est construite sur l’étude des réalités de la globalisation qui ont mis les zabaleens en concurrence directe avec les services de multinationales étrangères, contre lesquelles ils n’ont pas la capacité de faire front. Elle est conçue pour mêler éducation, expérience professionnelle, protection de l'environnement, allégement de la pauvreté et amélioration des conditions de vie d’une communauté appauvrie.
Le programme de l’école est une réponse aux problèmes croissants vécus par les entreprises de shampoings. Dès 1998, une étude menée par le CID et liée à la contrefaçon a démontré que ces compagnies subissaient des lourdes pertes (financières et d’image de marque), suite à la réutilisation frauduleuse de leurs bouteilles usagées. Or le quartier de Mokattam a été identifié comme le lieu de récupération de ces bouteilles vides et de leur commerce. Des négociants sont connectés avec un réseau de magasins en ville qui les remettent sur le marché, remplit bien sûr par des produits de très mauvaise qualité…
Cette situation a ouvert une brèche et a permis de combiner un programme éducatif (technique et alphabétisation) et générant des revenus et de l’expérience professionnelle à destination des jeunes garçons de Mokattam. Un accord a été trouvé avec ces compagnies qui les rétribuent pour la destruction de ces bouteilles afin de protéger leur réputation et leurs profits. Les garçons récupèrent ces bouteilles, les rapportent à l’école, les trient selon la marque, la couleur, la taille puis les détruisent en les granulant. Ils complètent alors une fiche récapitulant le nombre et la taille des bouteilles détruites. Ces fiches sont ensuite fournies aux multinationales afin de déterminer le montant des paiements. De plus, l'école revend le plastique granulé à des entreprises de recyclage du voisinage. Les revenus ainsi générés couvrent les salaires des enseignants et rendent ce projet désormais autonome.
Les enfants acquièrent de nombreuses compétences qui ont une valeur immédiate (comment identifier et rechercher les matériaux susceptibles d’être recyclés, technologie du recyclage des bouteilles en plastique, compréhension des risques et connaissances des précautions…). De plus les parents soutiennent la démarche car les enfants apprennent tout en gagnant de l’argent, ce qui contribue au budget de la famille.
Cette expérience professionnelle est conçue pour inciter les enfants à apprendre à lire, écrire et compter. Chaque garçon doit compléter son formulaire standard pour que soit enregistré le nombre de bouteilles vides qu'il a apportées à l'école. Les enseignants utilisent ces formulaires pour leur apprendre à compter. Ils doivent également apprendre à lire et écrire car ils doivent comprendre et signer ce formulaire afin de recevoir leur argent. A travers ces démarches, les enfants reconnaissent la pertinence de leur formation en rapport avec leur travail quotidien, ce qui explique le succès du programme d’alphabétisation.
Pour ceux qui maîtrisent ces premières étapes, il est ensuite possible d’acquérir des compétences informatiques de bases (Word et Excel), ce qui est très attractif. Ils les utilisent pour tenir et mettre à jour leurs livres de comptes. L’objectif est de leur permettre d’accéder au commerce des matériaux recyclables via Internet. Un autre enseignement consiste à leur apprendre à lire les cartes de manière appropriée afin de planifier leurs itinéraires de collection de déchets.
De plus, l'école fournit un espace agréable et disponible pour l’ensemble de la communauté. Les garçons se sont lancé dans un ambitieux projet de réfection du bâtiment qui n’était qu’un garage abandonné et l’ont peint. Ils en ont embelli les abords, nettoyant le site et plantant des arbres. C’est aujourd’hui une « bulle saine » au milieu du chaos de leur quartier.
Les soeurs et les mères des garçons utilisent cet espace comme lieu de rencontres, où se déroulent des célébrations (par exemple la fête des mères, la remise des prix…) mais aussi comme centre de soin et lieu d’alphabétisation des adultes. Les visiteurs ont droit à une présentation de l’école, de ses activités, notamment à travers un spectacle de théâtre et de musique.
L’école est aussi un lieu récréatif - art, théâtre, chants – ce qui permet aux élèves de prendre confiance en eux, de développer des compétences de travail en coopération et de favoriser l’expression de leur créativité. Les programmes artistiques intègrent également des enseignements dans le domaine de la santé et l’hygiène. Les enfants réalisent un livret illustré sur les risques sanitaires et le gardent avec eux pour informer leurs familles.
Aujourd’hui, les enseignants souhaitent accroître les revenus de l’école en achetant une machine leur permettant de produire des articles à partir des granules de plastique recyclées. Cela ajouterait de plus une nouvelle dimension à la formation technique des garçons (autre technologie, aspect commercial de mise en vente des produits finis…) Ainsi, ils pourront avoir de nouvelles qualifications et optimiser leurs ressources pour survivre sur un marché globalisé.
Des expériences internationales ont eu lieu, deux garçons sont allés au Pays de Galles afin d’y comparer leurs techniques de collecte des déchets et de recyclage. Ils vont maintenant monter une entreprise de recyclage de métaux (cannettes…). Un autre d’entre eux s’est déplacé au Liban dans les camps de réfugiés palestiniens afin d’y transférer le modèle. En effet, ces camps sont confrontés aux mêmes problématiques. Et des visiteurs venant de toute l’Afrique, d’Inde prennent modèle sur le développement de leurs initiatives. Enfin, les zabbaleens deviennent éducateurs et partagent leur modèle d’éducation non structuré avec des jeunes enfants travaillant dans les usines de briques de Gizeh.
Espoir et futur.
La gestion et le traitement des déchets sont traditionnellement perçus par les urbanistes, les spécialistes et les ingénieurs comme nécessitant des technologies complexes. Peu de municipalités ou de ministères responsables de la propreté des villes l'ont perçue comme une question centrée sur l’homme. Le CID a mis en évidence comment la réalité des villes du sud démontre l’inverse : la gestion des déchets nécessite un second regard des urbanistes, fonctionnaires et des décideurs.
“Nous discutons avec les responsables sur la manière de gérer nos ordures dans une ville immense comme le Caire, en gardant à l’esprit les collecteurs de déchets. ” s’exclame Laila.
"Quand j'ai gagné le prix Goldman en 1994, c’était juste un commencement. Nous finissions à peine d’apprendre comment les zabaleens vivaient, travaillaient, recyclaient et ce qu’il avaient dû payer pour cela. Le coût individuel mais également communautaire qu’ils ont eu à subir à vivre dans un tel environnement (santé, harcèlement, insécurité, menace de multinationales...). C’était le point culminant de notre travail de collecte de renseignements. Ensuite, j’ai été immergé dans l’aspect international de la même histoire. Ce qui est différent depuis ces 14 dernières années, c’est le fait que je suis maintenant liée à de nombreux d'organismes à travers le monde et qui sont concernés par les mêmes problématiques " indique Laila.
Mais tout au long du chemin, Laila reste reliée au terrain et aux préoccupations des zabaleens. En 2002, elle leur a fourni une tribune à Johannesbourg afin de leur permettre de s’exprimer eux-mêmes. Dans deux semaines, Laila ira à Amsterdam assister à la conférence internationale de l’Association des Déchets Solides et parlera de ces questions avec les acteurs de cette multinationale.
Au sein du CID, ils entreprennent de nombreuses études et rassemblent des données qu’ils présentent dans ce genre de conférences. Ils ont par exemple l’historique de l’évolution et du développement de ces industries de collecte et de recyclage des déchets au cours des dix dernières années. Et les conclusions sont impressionnantes : ces entreprises se sont développées de 40% chaque année alors même que l'économie du pays était à la dérive et que le taux de chômage était très élevé.
"Nous devons à chaque fois utiliser des arguments plus sophistiqués pour convaincre les décideurs. Et qui malheureusement sont davantage convaincus par le modèle des multinationales. C'est le combat auquel il nous faut faire face dans toutes les grandes villes du sud" constate Laila.
En effet, même si elle avance de puissants arguments, les décideurs ne sont pas toujours pas convaincus. "Ils ne regardent que l'autre aspect, c'est-à-dire la manière dont les zabaleens manipulent les ordures. Ils ne portent pas d’uniformes, ils gardent le détritus chez eux, les manipulent à la main pour les trier et stockent les matériaux recyclables dans les rues... "
Un des principaux problèmes était donc celui du tri qui se faisait manuellement sur les décharges ou dans les rues. “Afin de faire évoluer cet aspect du problème, il a fallu que les déchets soient triés dans deux containers, un pour la nourriture et un second pour toutes les autres ordures, ce qui permet leur séparation en déchets organiques et non organiques”. Cette idée de mettre en place le tri à la source réduit les risques sanitaires liés à la manipulation manuelle des déchets, sans toutefois affecter la qualité du travail. En effet, les personnes chargées du tri récupèrent dorénavant le papier à partir des institutions, et le coton résiduel à partir des usines de textiles. “Et ils ne seront plus perçus comme des gens sales manipulant les ordures”.
“Je ne souhaite pas que les zabaleens soient les seuls à travailler, mais que tous puissent trouver leur place. Vous savez, ils inventeront toujours un moyen, une nouvelle solution car pour eux ce n’est pas une question de choix mais de survie. C'est pourquoi nous continuons à dire : n'essayez pas de les battre, ils vous battront toujours, tout simplement parce qu'ils doivent manger ! C’est ce que le nord ne comprend pas. Ils ne se laisseront pas mourir de faim. Et quelles seraient leurs solutions de rechange ? Le crime, la drogue ?..." explique Laila.
Passionnée, Laila continue à se battre et ne s’arrêtera pas avant d’avoir atteint ses buts.
"Une nouvelle vision qui intègre les communautés du secteur non structuré dans l'évolution de ces grandes villes doit être développée. Une vision où ils peuvent rester dans leurs quartiers et être libre d’exercer leur commerce et où de nouvelles infrastructures seraient mises en place. Une vision où les ateliers et les micros entreprises seraient améliorés par l’acquisition de nouvelles technologies convertissant les pratiques néfastes en meilleures pratiques. Une vision qui tirerait profit de l'expérience cumulée par les zabaleens et les organisations communautaires. Une vision enfin qui formaliserait le secteur non structuré en réelles entreprises modernes" conclue Laila Iskandar Kamel.
Texte © S. Viaud
Pays : Egypte
Prix Goldman : 1994
Profession : Spécialiste de l’éducation, dirige le C.I.D.
Signe particulier : A su écouter les communautés pauvres et marginalisées pour tirer des leçons de leurs expériences
« Les stratégies de survie des pauvres sont souvent de bonnes stratégies de survie pour la planète elle-même. »
Un problème :
- Gestion des déchets dans une mégalopole de 16 millions d’habitants.
Solutions :
- Mise en place de programmes de recyclage à large échelle qui offrent des emplois, génèrent des revenus, améliorent leurs conditions de vie et participent à la préservation de l’environnement.
Pour les chiffonniers du Caire
C.I.D. (Community & Institutionnal Development)
17, El Mara’shly street, 7th floor, appt 16
Zamalek, 11211, Cairo, EGYPT
Tel : + (202) 736 4479
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