Kaisha ATAKHANOVA

 

Pays : Kazakhstan


Prix Goldman : 2005


Profession : Biologiste, Fondatrice de l’association Ecocenter,  et directrice du Fond Socio-Ecologique.


Signe particulier : A compris que la meilleure manière d’utiliser le pouvoir est de le partager avec les autres

« Dans la nature, il n’y a pas de système clos. Nous ne pouvons pas dire qu’en enfouissant les déchets nucléaires, nous réglons le problème. Tôt ou tard les radiations remonteront à la surface, tôt ou tard cela aura un impact sur le vivant. »

Un problème :

  1. - les essais nucléaires soviétiques ont contaminé près de 300 000 kilomètres carrés du pays et deux millions de personnes ont été fortement irradiées

  2. -proposition de lois permettant l’importation de déchets nucléaires

Solutions :

  1. - Réaliser les tests permettant de prouver les niveaux de contamination et irradiation

  2. - Briser la loi du silence pour proposer des compensations et soins appropriés

  3. -Campagne d’envois ciblés de fax pour empêcher la promulgation de la loi

Quarante mille bombes d’Hiroshima


27 février. C’est par une tempête de neige et un froid record – moins 40° – que j’arrive au Kazakhstan. Non sans une certaine appréhension, je pénètre dans le Polygone d’essais nucléaires de Semipalatinsk. Un lieu hanté, une cicatrice honteuse qu’on appelle ici, tout simplement, « le Polygone ».  


À la fin de la seconde guerre mondiale, alors que commence la guerre froide, le développement de l’arme nucléaire est une priorité pour l’urss. Semipalatinsk, au cœur du Kazakhstan, deviendra le centre d’un gigantesque programme de tests. Entre 1949 et 1991, des centaines de bombes explosent au sol, à très haut altitude et en sous-sol : l’équivalent de 40 000 fois la bombe d’Hiroshima, libérant des isotopes radioactifs extrêmement dangereux. Près de 300 000 kilomètres carrés ont été contaminés et deux millions de personnes, fortement irradiées, continuent d’y vivre dans l’ignorance du danger. Le pays recèle près de 237 millions de tonnes de déchets nucléaires disséminés sur plus de 500 sites, et qui attendent d’être traités en sécurité.


Quand le silence tue


Biologiste spécialisée dans l’étude de l’effet des radiations nucléaires, Kaisha a consacré sa vie au victimes : « C’est lors de la Perestroïka que nous avons découvert que des tests nucléaires avait été effectués dans la région. Nous avons alors décidé d’effectuer des recherches sur leurs effets dans le Polygone. Nous avions un dosimètre, mais pas de tenue de protection adaptée. La première fois, nous y sommes restés deux mois, ce fut un long cauchemar. Nous avons trouvé que même de petites sommes de radiations causaient des changements significatifs dans les cellules et les chromosomes. »


Kaisha et ses collègues découvrent que les habitants font paître leur bétail sur le sol contaminé et récupèrent des équipements radioactifs pour les utiliser dans leurs fermes : « Sur le site d’une des explosions, les militaires ont construit un barrage, un lac radioactif s’y est formé. Ils y ont introduit des carpes, qui ont grossi de manière anormale. Bien entendu, les militaires savaient tout cela, mais jusqu’à notre venue, les scientifiques civils n’étaient pas informés. Les habitants n’avaient aucune idée de la nocivité du site. Ils allaient pêcher et se baigner dans le lac. » Elle me montre des photos d’animaux et même d’enfants nés dans le Polygone, difformes au-delà du supportable.


Une nouvelle menace nucléaire


Une nouvelle menace attend les habitants du Polygone. En 2001, le Président de la compagnie nucléaire gouvernementale, KazAtomProm, propose discrètement une loi permettant d’importer des déchets nucléaires d’autres pays. À la clé, 20 milliards de dollars sur les 25 années à venir. Aucune consultation, aucun débat public n’est prévu : après des années de soviétisme, la toute jeune République du Kazakhstan n’a guère de tradition de dialogue social ou environnemental. Kaisha va y remédier. Elle organise une vaste campagne d’envoi de fax à destination des députés, à laquelle participent toutes les organisations sœurs du pays. Une organisation d’enfants écrira même à la femme du Président. « Tous ont eu un rôle à jouer, chacun a contribué à son niveau », explique Kaisha non sans fierté. Et c’est la victoire : impressionnés par cette mobilisation massive et pacifique, les députés refusent d’examiner la proposition de loi de KazAtomProm. Une victoire pour l’environnement, mais aussi pour la démocratie.


Aujourd’hui grâce à Kaisha, la situation a progressé dans le polygone. La région a bénéficié d’aides, la loi du silence a été brisée. Les habitants ont obtenu un statut « d’irradié » qui leur donne droit à des compensations, des pensions et des soins. Des hôpitaux ont été construits et les médecins ont reçu des formations spécifiques.


Kaisha élargit maintenant son combat à l’ensemble de la cause environnementale : « Mon travail est guidé par un profond respect de la fragilité de la Terre. Nous devons prendre conscience que notre planète demande d’accepter nos responsabilités individuelles », explique-t-elle. Elle soutient la création d’autres associations dans le pays, notamment grâce à sa propre fondation : le Fond Socio-Ecologique. Je la suis de réunion en réunion. Femme énergique, attentive, elle a un mot gentil pour chacun. Elle m’affirme qu’elle a laissé l’idéalisme de côté et sait être réaliste pour être efficace, qu’elle est en en paix aujourd’hui. Et avec son large sourire, elle me glisse avant mon départ : « Il faudra du temps, sans doute des générations pour voir les effets de notre combat pour l’environnement. Mais j’espère les voir de mon vivant ! »



Texte et photos © A. Gouyon et S. Viaud

Pour les victimes du nucléaire

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Contact :


Socio Ecological Fund,

128-8 Shagabutdinov street, Almaty 050012, Kazakhstan

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Fax :  +7 727 292 7188