Padre José Andrès Tamayo CORTEZ
Le prêtre que rien n’arrête
25 février. Arrivée à Tegucigalpa, la capitale du Honduras. La discussion s’engage avec le chauffeur de taxi. Il nous montre un pan de la ville disparu pendant l’ouragan Mitch, en raison du déboisement de la pente sur laquelle étaient bâties les maisons. Et voilà qu’il nous parle du Padre Tamayo, que nous sommes venus rencontrer. Il est connu ici, et son combat respecté.
Le lendemain, je contacte des membres de son organisation, le MAO, le Mouvement pour l’Environnement d’Olancho. Ils m’expliquent comment me rendre à Salamá, au cœur de la région d’Olancho, connue comme « l’Ouest sauvage » de ce pays de violence et de corruption. Quelques heures de bus chaotique m’amènent sur une terre pauvre, hors du temps. Ici, les femmes portent des ombrelles, les hommes des chapeaux et des pistolets.
Je retrouve le Padre avec quelques-uns des quinze soldats armés qui se relaient pour le protéger. Les Résistants pour la Terre ont la vie brève ici. Comme Jeannette Kawas, une Américaine assassinée parce qu’elle s’opposait à l’abattage illégal de bois. Ou Carlos Luna, un membre du conseil municipal tué alors qu’il enquêtait sur le trafic de bois. Ou encore Carlos Roberto Flores, abattu par les gardes d’une société construisant un barrage contre lequel il s’était élevé. Et bien d’autres encore. Quant au Padre… vit-il dans la peur ? « Non, je sais seulement qu’un jour je risque d’être assassiné… Ce qui compte, c’est que j’ai fait mon devoir, en tant que pasteur, en tant que fils du peuple… Où que j’aille, rien ne m’arrête. » Il continue à combiner religion et sensibilisation : « J’utilise la messe pour parler de la valeur de l’eau, de la valeur du bois, de la fonction des arbres. »
Lutter pour les forêts, lutter pour le peuple
Son combat est vital. La mort des forêts, c’est la mort d’Olancho. Nous visitons un village en aval des montagnes où se concentrent les coupes de bois. Avant, il y avait de l’eau dans les ravins et on y marchait dans la fraicheur des pins. Aujourd’hui les lits des rivières sont à sec, les montagnes pelées et les récoltes se sont effondrées. J’assiste à une formation menée par le MAO pour aider les paysans à faire respecter les lois forestières. Lors de la pause, ils racontent comment ils ont pris les armes pour protéger une de leurs dernières sources et les arbres qui l’entourent. Ils parlent de l’émigration, cette saignée des jeunes de la région, contre laquelle le Padre s’élève : « Mon espoir, c’est que le peuple puisse récupérer ce qu’il a perdu, qu’il puisse bénéficier de l’eau, du bois, du sol… qu’il n’ait pas besoin d’émigrer aux États-Unis pour y chercher du pain, y trouver l’humiliation et la mort. » Je partage leur émotion.
L’appétit des exploitants de bois est sans limites. Entre 1990 et 2000, près de 37% des forêts du pays ont disparu. La moitié des pins et 80% des acajous sont coupés de manière illégale, y compris dans le Parc naturel de Río Plátano, une réserve de biosphère classée au patrimoine mondial de l’Unesco, territoire des aras, des tapirs et des ocelots. Le bois part aux États-Unis et en Europe, pour la fabrication de meubles à bon marché : des millions d’euros qui ne profitent en rien à la population locale. Le Padre a pu ainsi organiser plusieurs manifestations de 2002 à 2004 : « Plus de 35 000 personnes ont marché sur 190 kilomètres jusqu’à la capitale. C’est alors que le gouvernement s’est dit : il ne s’agit pas de quatre personnes qui protestent, mais de tout un peuple. »
Huit ans de combat pour une nouvelle loi
Après huit ans de combat, le Padre a réussi à faire passer une nouvelle loi forestière au Honduras. Il milite pour une gestion durable de la forêt, raisonnée, qui bénéficie aux populations locales. Les communautés participent désormais à un conseil forestier consultatif, les terres forestières sont démarquées, les zones les plus sensibles sont protégées. Les crimes contre l’environnement sont passibles de quinze ans de prison.
Les résultats commencent à se voir : les coupes illégales ont diminué de 80% à Olancho, et le gouvernement, la population et les compagnies forestières arrivent à se parler. Difficile d’oublier que ceux qui parlent aujourd’hui de gestion durable poursuivaient hier les membres du mao à la machette et au pistolet… mais pour le Padre, le dialogue est la seule manière d’avancer. Son combat se joue maintenant à Washington, où il s’est rendu en 2007 pour demander au Congrès américain d’interdire l’importation de bois coupé illégalement. Et demain, peut-être chez nous, en Europe…
Texte © A. Gouyon & S. Viaud
Pays : Honduras
Prix Goldman : 2005
Profession : Prêtre catholique, fondateur du mao, le Mouvement pour l’Environnement d’Olancho
Signe particulier : Sa tête est mise à prix 40 000 $ par la mafia du bois
« J’ai vu les arbres disparaître et les pluies diminuer, les paysans perdre leurs récoltes et souffrir de la faim. Alors j’ai décidé de prendre la parole pour les défendre. »
Un problème :
- Déforestation illégale, érosion des sols et diminution de l’eau disponible. Emigration non choisie.
Solutions :
-Sensibiliser les populations concernées
-Faire apparaître le problème sur le devant de la scène nationale, organisation de marches pacifiques jusqu’à la capitale.
-Faire passer de nouvelles et veiller à leur application sur le terrain
Pour les derniers arbres des collines
Contact :
Movimiento Ambiental de Olancho, Honduras
+ 504 785 2011
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