Ibrahim ABOULEISH

 

Un visionnaire à l’enthousiasme communicatif.


Né en 1937, Ibrahim Abouleish a grandi dans une famille bourgeoise du Caire, choyé par ses grands-parents et parents. Sa famille possède une longue culture d’entreprise, ses membres étant très actifs (son grand père dans le domaine des engrais, son père dans celui du savon et des pâtisseries).


Les vacances d’été passés dans son village natal, à Mashtul dans le delta du Nil l’ont profondément marqué. Il n’oubliera pas tous ces moments au sein des communautés rurales, dans une nature encore préservée. Son adolescence fut un bouillonnement intellectuel qui l’a amené à approcher des cercles de discussions philosophiques, religieuses et historiques. A travers la découverte de Goethe, il s’est intéressé à l’Allemagne et a décidé d’étudier à l’étranger. Son choix s’est porté sur l’Université de Gratz, en Autriche. Véritable bourreau de travail, il y a accumulé plusieurs maîtrises (biochimie, pharmacologie) tout en préservant son intérêt pour la philosophie et notamment l’anthroposophie. Il se marie, a plusieurs enfants et obtient la nationalité autrichienne. Il a alors conscience de devenir progressivement une autre personne, mixant sa propre culture égyptienne à celle de l’Europe.


Un voyage en Egypte en 1975 le bouleverse. Il s’immerge dans la vie quotidienne de ses compatriotes et prend conscience des dégâts causés par les changements politiques dans son pays. L’agriculture y est dévastée, les paysans étant forcés d’utiliser une certaine quantité d’engrais et de pesticides par hectare, quantités excessives et incontrôlées. Il y constate avec tristesse les mauvaises conditions sanitaires, d’éducation et une vision de la religion trop conservatrice… « Quel déclin en vingt ans » se lamente alors Ibrahim.


De retour en Autriche, il ne peut oublier les images qu’il a ramenées avec lui d’Egypte. Il se passionne alors pour l’agriculture biodynamique et rencontre George Merckens, qui développe ce type de fermes en Autriche et en Italie. Il entreprennent ensemble un voyage d’étude en Italie où Ibrahim absorbe toutes les connaissances relatives à l’agriculture biodynamique et ses conséquences pratiques.


Ce voyage le décide à rentrer en Egypte et créer une ferme biodynamique, autonome et durable. Mais sa vision est dès le départ holistique. Cette ferme ne peut être pour Ibrahim qu’un point de départ où se grefferont de nombreux autres projets incluant un renouveau culturel, un développement économique, des institutions éducatives et  un centre de soins au profit des communautés rurales. Son premier objectif consiste à éduquer les populations, afin de les convaincre et leur faire partager sa vision.


L'initiative d’Ibrahim vise donc à relever le défi d'aujourd'hui d’un développement humain durable en contribuant à l’épanouissement des individus d’une communauté dans son environnement. Les interactions entre les sphères économiques, sociales et culturelles sont cultivées à travers la science, l'art et la religion. Grâce à ses diverses entreprises (herbes médicinales, légumes biologiques, textiles…), Ibrahim a permis aux communautés locales de trouver un accès au marché international. De plus, ses entreprises soutiennent à travers une fondation la recherche, l'éducation, la formation continue et la santé.


Sekem, une ferme dans le désert.


Rencontrant beaucoup d’enthousiasme mais ne trouvant pas de partenaires, Ibrahim décide de se lancer seul dans l’aventure. Ayant emporté l’adhésion de sa famille, il crée en 1977 Sekem (transcription d'un hiéroglyphe signifiant vitalité), une ferme sur une superficie de 70 hectares de désert et initie l’agriculture biodynamique en Egypte. Les difficultés sont immenses, Ibrahim se confronte à la bureaucratie de son pays et les réticences des populations locales de bédouins. L’accès à l’eau est problématique et il faut trouver une source d’énergie. Mais les forces d’Ibrahim et de son entourage semblent être sans limites.


Après avoir installé des générateurs, creusés des puits et installé un premier système d’irrigation, il fut possible de réaliser les premières plantations et de mettre en place le processus de compost, base de ce type d’agriculture. Cette méthode s'engage à reconstituer et maintenir la vitalité du sol ainsi qu’à protéger la biodiversité de la nature. Les différences principales entre l’agriculture organique et biodynamique sont l’utilisation de préparations biodynamiques (réalisées à partir de plantes, minéraux, déjections animale et mélangés au compost) et l’attention porté aux cycles naturels lors des activités agricoles. Les fermiers ne sont donc pas autorisés à utiliser de pesticides ou d’engrais artificiels, car l’une de leur préoccupation majeure doit être de stabiliser les sols.


Ibrahim Abouleish se lance dans la culture de plantes médicinales et dès 1981, les premières exportations commencent vers les Etats-Unis. Deux ans plus tard, Sekem lance sur le marché égyptien une gamme de produits sous le nom générique d’Isis (céréales, pâtes, miel, confitures, épices, herbes médicinales, thé, café…). En 1986, Atos Pharma est créé par Sekem, la Deutsche Entwicklungsgesellschaft (DEG) et le Dr. Schaette KG afin de développer le marché égyptien des produits phytopharmaceutiques.


Puis Ibrahim diversifie ses activités. Il fonde en 1988 Libra, spécialisé dans l’exportation de fruits et légumes frais vers l’Europe. Celle-ci s’est depuis transformée en réseau de coordinations entre les différents fermiers ayant adopté l’agriculture biodynamique à travers l’Egypte. A partir de 1996, Hator prend la relève sur le marché des produits frais. Et en 2004, Sekem organise et finance avec le fond Acumend un projet permettant le développement de l’agriculture biodynamique en Egypte.


En 1994, une nouvelle compagnie voit le jour, Conitex qui produit des textiles à base de coton issu de l’agriculture biodynamique. Grâce à leurs efforts, plus de 500 000 hectares de coton sont aujourd’hui cultivés sans pesticides. Un nouveau système d’irrigation minimise la consommation d’eau et les énergies renouvelables sont développées (solaire et éolienne).


En 1997, Sekem, Atos Pharma, Conitex et Hator reçoivent pour la première fois la certification ISO 9001. La Holding Sekem est mise en place en 2001 afin de supporter, superviser et évaluer l’ensemble des entreprises de Sekem. A travers l’ensemble de ces entreprises, Ibrahim a réussi le tour de force de connecter les producteurs locaux avec le marché international auquel ils n’avaient pas accès. Sa démarche transparente et éducative permet d’impliquer tous les maillons de la relation commerciale et de faire comprendre ce qu’est un juste prix, à la fois pour les producteurs et les consommateurs.


Sekem, une initiative globale.


L’ensemble de ces activités économiques poursuit un noble but, celui de permettre le développement harmonieux des communautés dans leur environnement. Sekem a choisi de prendre cette responsabilité de contribuer au développement durable des communautés locales en favorisant la recherche, l'éducation, la formation continue et la santé. Dans ce but, Ibrahim a cherché à faire croître et soutenir des entreprises sociales et culturelles. Il a mis en place un système d’écoles, de centres de recherches et de centres de soins.


Dès 1984, la Société Egyptienne pour le Développement Culturel (renommée Fondation Sekem en 2006) commence ses activités, impliquant les employés dans des programmes artistiques et scientifiques. En 1985 est ouvert un jardin d’enfants, l’année suivante un centre de formation continue à destination des adultes et en 1989 une école primaire et secondaire. En 1997, un programme d’alphabétisation est mis en place à destination des enfants en difficultés. La création en 2000 de l’Académie Sekem pour la Science et les Arts appliqués permet de lancer des recherches dans les domaines de la médecine, la pharmacologie, l’agriculture et les arts. A partir de 2004, l’école de Sekem offre une session d’été ouverte à des enfants de tous les âges.


« L’éducation est un challenge de tous les jours. Nous souhaitons permettre à nos élèves de prendre leur vie en main pour pouvoir améliorer leur conditions de vie et participer ainsi au développement de la communauté dans son ensemble » s’enthousiasme Islam, jeune enseignant motivé. Des programmes de réintégration d’enfants déscolarisés ayant été obligés de travailler très jeunes sont expérimentés. Le travail des enfants est un problème très important en Egypte où les familles pauvres ont besoin des revenus qu’ils génèrent. Il convenait donc d’attirer ces enfants à l’école en leur garantissant de ne pas perdre ces revenus. Les cursus sont donc construits autour de phase d’apprentissage et de travaux rétribués dans différents domaines (ébénisterie, agriculture, couture, informatique...). Ils y acquièrent des compétences qu’ils pourront ensuite ré exploiter. Une des premières difficultés d’Ibrahim fut de trouver des personnels qualifiés, elle est en passe d’être comblée.


Ibrahim décide de faire partager son modèle et en 1994 est créé l’Association Egyptienne Biodynamique, une ONG qui fournit des formations agricoles et des services de consulting à travers toute l’Egypte.


En 1995, le centre médical de Sekem est ouvert et fournit des soins gratuits aux membres des communautés locales. Trois ans plus tard, des programmes de sensibilisation à l’hygiène et la santé sont développés à destination des femmes et enfants. La coopérative de employés de Sekem est mise en place en 2000, elle recherche à leur assurer le respect de leur dignité et leur garantir l’égalité de traitement. Tous les jeudi, les employés de chaque entreprise et institution de Sekem se retrouvent en cercle, font le bilan de leurs activités et de ce qu’il leur reste à accomplir. C’est le moment de parler de ses difficultés et de trouver des solutions en commun.


« Nous sommes nombreux aujourd’hui à croire en la vision d’Ibrahim. Il a su attirer et fédérer de nombreuses personnes autour de lui, qui lui sont restées fidèles. C’est aussi une manière de démontrer que cette vision est durable » constate Régina Hanel qui à rejoint l’initiative Sekem voilà 14 ans et ne l’a plus quitté depuis.


Les résultats d’envergure d’Ibrahim Abouleish ne sont pas passés inaperçus. En 2003, il a été désigné par la Fondation Schwab pour l’entreprenariat social comme l’un des plus remarquables entrepreneurs social. De plus il a reçu le « Right Livehood Award », qui récompense les pionniers d’un monde plus sain. Sekem y est décrit comme « un modèle pour le 21ème siècle, où les succès commerciaux promeuvent le développement culturel et social de la société ».


Aujourd’hui, on vient de toutes les régions de la planète jusqu’à Sekem. « De l’espoir… C’est ce qu’il viennent chercher ici, la preuve que c’est possible, que l’on peut créer quelque chose de nouveau » conclue Ibrahim.


Texte ©  S. Viaud


Pays : Egypte


Profession : Biologiste


Signe particulier : un magicien, qui a réussi à transformer une parcelle de désert en une ferme rentable et régénérant l’environnement

« L’enthousiasme pour mon travail et l’amour sans borne que je porte à tout ce qui m’entoure soutiennent ma vision d’une communauté où tous peuvent travailler et apprendre en paix. »

Un problème :

- l’agriculture égyptienne est dévastée, les paysans étant forcés d’utiliser des quantités excessives et incontrôlées d’engrais et de pesticides par hectare. S’y greffent des mauvaises conditions sanitaires, d’éducation...


Solutions :

  1. -Création d’une ferme biodynamique, autonome et durable.

  2. -Y faire naître d’autres projets incluant un renouveau culturel, un développement économique, des institutions éducatives et  un centre de soins au profit des communautés rurales.

  3. -Eduquer les populations, afin de les convaincre et leur faire partager sa vision.

Pour que fleurisse le désert

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