Atherton MARTIN
Au royaume des cachalots
18 février. Atterrissage en beauté sur l’île de la Dominique. J’ai l’impression de me poser sur les crêtes des palmiers qui parsèment les collines. Le lendemain, je file avec l’équipe de tournage du film pour rejoindre Atherton. Je découvre un homme posé, calme et digne, mais aussi disponible et à l’écoute. Avant de partir vers le cœur de l’île, nous sortons en mer à la rencontre des dauphins, mêlant plaisir et observation scientifique. Nous aurons la chance de voir jouer des cachalots et baleines : de jeunes mères avec leurs petits, un jeune mâle… Ils lancent un nuage de vapeur avant de plonger, dévoilant les courbes de leurs nageoires caudales. C’est magique.
Et si les baleines sont encore là, c’est aussi grâce à Atherton. En 2002, il n’a pas hésité à démissionner de son poste de Ministre de l’Environnement pour protester contre les manœuvres du Japon. Pour préserver ses quotas de pêche lors des votes dans la Commission Baleinière Internationale, ce pays achète les voix de petites Nations comme la Dominique à coup de millions d’euros d’« aide au développement ». Mais les premiers combats d’Atherton furent avant tout pour la forêt. Comme Alexis à Puerto-Rico, il a su mobiliser des milliers de ses compatriotes contre un projet de mine de cuivre monté dans des conditions caricaturales.
Pour l’amour de l’Ile-Nature
En 1995, une compagnie minière étrangère, bhp, propose la création d’une mine de cuivre au cœur d’un écosystème forestier accroché aux flancs des volcans, riche de 1600 espèces végétales, qui a valu à la Dominique son surnom d’« Île Nature ». En 24 heures, le Parlement adopte une loi sur l’exploitation minière qui rend caduques les réglementations environnementales. Dans la foulée, bhp se voit octroyer deux licences de prospection sur 7200 hectares, pour une bouchée de pain. En aval du site les terres du peuple Caribe, dernière culture indigène des Caraïbes, sont menacées de destruction. Soutenu par la communauté, Atherton luttera pied à pied pendant deux ans, malgré la perte de son travail et des menaces de mort qui pèsent sur lui et sa famille. En 1997, il obtient le retrait du projet, une victoire qui lui vaudra son prix Goldman.
Mais cet ingénieur agronome, qui a longtemps apporté son appui aux coopératives et aux petits fermiers de la région, sait que la protection de la Nature doit s’accompagner de création d’emplois. Et surtout, elle doit reposer sur l’engagement de la population, puisque, selon ses mots, « rien de pousse du haut vers le bas. »
Pour développer l’écotourisme, Atherton crée Exotica Cottages, un paradis de huit bungalows près de Morne Trois Pitons, un site volcanique et forestier classé au patrimoine mondial de l’Unesco. Les propriétaires de bateaux de croisière américains en escale lui demandent des idées d’excursion. Sa méthode ? « Je me suis tourné vers les communautés, car ce sont elles qui détiennent le savoir-faire. » Avec son aide, les horticulteurs du village mettent au point un programme enchanteur qui combine découverte des jardins bio, de la gastronomie et de la musique traditionnelle. Cette réussite, gérée de manière participative par le Comite d’écotourisme local, bénéficie de multiples manières à la population. « Les villageois ont reçu une formation complète : histoire, géologie, botanique, agriculture… pour pouvoir présenter une vision globale aux visiteurs », explique Atherton. Sans oublier les revenus : plus de 30 000 $ en trois ans, qui alimentent un fond de développement local.
Le combat continue
Atherton ne se repose pas sur ses lauriers. Pour continuer à défendre l’Île Nature, il a créé sa propre émission télévisée. Je le verrai débattre en live du dernier cauchemar de l’île, un projet de raffinerie pétrolière à l’initiative du Venezuela. Une âpre discussion s’installe, et Atherton est traité d’ennemi du développement. Mais que deviendra le tourisme de cette île de 65 kilomètres de long, une fois installée une raffinerie géante au-dessus du terrain de jeu des cachalots ?
Après nos adieux, nous aurons l’occasion de vivre par nous-mêmes les tensions que génère ce projet. Nous tentons de filmer le site proposé, où des tankers sont déjà en place. Très vite, nous sommes pris en chasse par une voiture et menacés, avant d’être cuisinés par trois policiers en civil. Nous finirons par quitter l’île aussi tranquillement que nous y sommes arrivés : fausse alerte, mais qui nous permet d’imaginer les pressions que subissent au quotidien les Résistants pour la Terre.
Texte © A. Gouyon & S. Viaud
Pays : Dominique
Prix Goldman : 1998
Professions : Agronome, journaliste, hôtelier, ex-Ministre…
Signe particulier : A démissionné de son poste ministériel pour ne pas avoir à soutenir la politique japonaise de chasse à la baleine
« Je crois qu’il existe un lien entre le peuple de la Dominique et ses rivières, ses cascades, ses lacs, ses forêts et ses sols, qui ne peut pas être détruit. »
Pour un tourisme qui protège la Nature
Un problème :
- Projet de construction d’une mine à ciel ouvert au centre de l’île (destruction des forêts et du réseau hydrographique)
Solutions :
-Sensibiliser les populations concernées en liant protection de la nature et création d’emploi
-Valoriser les ressources naturelles comme potentiel touristique à gérer durablement et bénéficiant aux communautés locales
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