Alexis Massol GONZALES
En route vers la Maison du Peuple
1er février. De petites routes de montagne m’emmènent vers Adjuntas, au cœur de l’île de Puerto Rico, à la rencontre d’Alexis Massol González. Je mettrai près de cinq heures pour y arriver, sur des routes « tunnels » où les arbres se rejoignent, entremêlant leurs branches comme pour atteindre quelque nuage… Arrivé à Casa Pueblo, la Maison du Peuple, je découvre le site : bibliothèque, salles de réunions, un institut d’éducation scientifique et environnemental, un laboratoire hydroponique, un jardin aux papillons… Le tout alimenté par des panneaux solaires. L’art a sa place ici aussi, à travers la musique, des fresques… Alexis, sa famille, la communauté, tout ici dégage une énergie positive qui me gagne petit à petit.
Le lendemain, je nourris les chenilles du jardin des papillons avec Tinti, la femme d’Alexis, avant de partir visiter le Bosque del Pueblo (la Forêt du Peuple) où Alexis mène une action de sensibilisation à la reforestation auprès d’un groupe de jeunes citadins. Autour de nous, les montagnes sont couvertes de forêts tropicales, de fougères arborescentes, de philodendrons, d’orchidées et d’ananas sauvages. Le café pousse sans peine, et les habitants sont si fiers de la force de son arôme qu’ils prétendent qu’il a réveillé le diable.
Quand la communauté gère la forêt
A la place de ce paradis, j’essaye d’imaginer une mine à ciel ouvert, un cratère d’un kilomètre et demi de diamètre et plus de 600 mètres de profondeur, près de 15 000 hectares de forêts détruits. C’est le projet contre lequel Alexis s’est dressé à la fin des années 1970. Le comble pour un ingénieur des travaux publics, qui a utilisé ses compétences pour pointer les dangers de pollution menaçant les fleuves qui trouvent leurs sources sur ces sommets, alimentant en eau plus d’un million de personnes. C’est ainsi qu’il a créé Casa Pueblo, pour informer et mobiliser la population. En 1986, premier succès : le gouvernement rejette le projet de mine. Mais en 1993, un nouveau permis est accordé ! Casa Pueblo mobilise alors des scientifiques, des étudiants, des religieux, des artistes… et la victoire est à la hauteur : le gouverneur de Puerto Rico bannit définitivement les mines à ciel ouvert de la région.
Fidèle à son credo, Alexis ne veut pas que s’opposer, mais construire. En 1996, il obtient la conversion de 303 hectares de forêt en réserve naturelle, qui deviendront le Bosque del Pueblo. Pour la première fois à Puerto Rico, un ensemble de communautés est en charge d’une réserve – une réussite qui reste rarissime dans le monde, et qui sert désormais de modèle de gestion participative des ressources naturelles. Casa Pueblo fait vivre la réserve en attirant des scientifiques, des artistes, des touristes, des bénévoles et des jeunes, grâce aux évènements culturels qui s’y déroulent. Car ici, culture et l’écologie se marient : promenades guidées, éducation environnementale, cours de guitare, récitals de violon… Chaque week-end, Casa Pueblo peut recevoir jusqu’à 500 personnes. Alexis rayonne : « Nous sommes heureux d’avoir pu transformer ce projet de mort, ce projet de mine en un projet de vie. »
Continuer à croître
Comme tout organisme vivant, Casa Pueblo et le Bosque del Pueblo grandissent. En 2001 est né le jardin des papillons, support d’éducation à l’environnement et attraction touristique. En accord avec sa philosophie d’autosuffisance, « Casa Pueblo » produit du café sous le label Madre Isla, et a atteint son autonomie financière. Pendant mon séjour, j’assiste à la création d’une radio communautaire, Radio Casa Pueblo ! Et pour aller plus loin, Alexis compte faire désigner le Bosque del Pueblo comme Réserve de Biosphère par l’Unesco, en augmenter la superficie et établir un centre de recherches. Une nouvelle loi sur les corridors écologiques doit aussi permettre de connecter les réserves de l’île pour faciliter la circulation des animaux.
Alexis avoue sa fierté d’avoir réussi à protéger ce lieu, et d’en faire un modèle pour le reste du monde. « Je veux cultiver l’Amour… J’aimerais devenir plus humain, m’améliorer comme être humain, me transformer. Je ne me sens pas complet, j’ai encore besoin de croître, je vis un processus et je ne veux pas l’arrêter. » De nouveau s’annonce un départ difficile. La tristesse est partagée : Alexis me fait dire au revoir par sa femme Tinti, qui nous explique que, trop sensible, il ne souhaite pas participer aux adieux. On se reverra…
Texte © A. Gouyon & S. Viaud
Pays : Puerto Rico
Prix Goldman : 1998
Profession : Ingénieur des travaux publics, fondateur et Président de Casa Pueblo
Signe particulier : Après une agression qui a failli lui coûter la vie dans la capitale, est revenu à Adjuntas, la ville de son enfance, près de la Nature.
« La protestation doit s’accompagner d’une proposition de vie. Si l’on unit théorie et pratique, on peut faire des changements fondamentaux pour la Vie. Et là, on sauve la planète. »
Pour rendre la forêt au peuple
Un problème :
- Projet de construction d’une mine à ciel ouvert au centre de l’île (destruction des forêts et du réseau hydrographique)
Solutions :
-Utilisation des ses compétences professionnelles pour dénoncer les dangers du projet
-Sensibiliser les populations concernées en liant culture et nature
-Impliquer la communauté dans la gestion des espaces protégés
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